Président de notre Association que Sergueï Sergueievitch dirigea de nombreuses années, dont il fut et demeure le Président d’honneur, il me revient d’évoquer, maintenant qu’il nous a quitté, la haute personnalité du Prince Serge Obolensky. A la tête de très nombreuses associations, responsable d’entités religieuses orthodoxes russes (diocésaines, paroissiales), son décès en ce jour du 1er janvier 2013 a suscité maints panégyriques et descriptions biographiques. J’évoquerai donc plutôt les traits qui font de lui la personnalité de la colonie russe la plus éminente de la fin du 20ème siècle.
Ce n’est qu’assez tardivement que nous avons fait connaissance. Un courrier qu’il avait publié dans le Figaro m’avait quasiment enthousiasmé et bien que n’ayant pas le goût des échanges épistolaires, je lui adressai une 1ère lettre. J’appréciai en retour sa réponse, courtoise, élégante et frappée au coin du bon sens. Nous eûmes par la suite différents contacts des plus intéressants.
Au début des années 90, je sollicitai de sa part mon adhésion à une de ses associations. Je fus étonné de sa réponse. « Bon, bien sûr. Pas de problème! Mais ce n’est pas le principal. J’ai besoin de vous pour Mourmelon ». Et c’est ainsi que je suis entré dans l’ASCERF. Une relation particulière s’était établie entre nous. Basée en partie sur des considérations territoriales ! Tous deux nous étions Niçois par nos racines françaises. Il était un ami d’enfance de ma mère et les aléas de la Révolution les avaient fait naître tous les deux, à quelques mois près, dans le même Caucase. Ses grands-parents avaient parrainé l’entrée dans le monde de ma grand-mère maternelle, orpheline encore enfant. Nous n’avions jamais oublié leurs attentions.
D’une présentation exemplaire, il avait grande allure, une tenue naturelle qui reflétait l’éducation, le savoir-vivre et le savoir-être, la courtoisie et on ressentait chez lui la quintessence de générations de personnes de qualité, d’officiers, de hauts fonctionnaires. Dénué de toute morgue, simple et direct dans le contact, il avait un sens certain de l’humour, une fraîcheur d’esprit qui n’apparaissait peut-être pas à tous ses interlocuteurs, qu’il impressionnait souvent.
Sous des abords réservés il y avait un homme de bonté, de devoir et d’attentions, un fervent chrétien. Un patriarche qui souriait aux gambades des bambins, nombreux autour de lui. Il a toujours eu le sens de la transmission, de celles des valeurs, des générations. On dira de lui que ce fut un grand conservateur, dans toute la noblesse du terme. Conservateur certes mais pas réactionnaire. Pour lui, les valeurs étaient permanentes. Les traditions, elles, n’excluaient pas l’évolution naturelle.
Son esprit clair et rigoureux reflétait sa formation d’ingénieur. Son ouverture d’esprit, sa curiosité, son goût pour la lecture, son intelligence en faisaient également un humaniste. La
2combinaison de ses diverses qualités en faisait un leader, capable de saisir les différents éléments d’une situation, d’en tirer la quintessence, en faire la synthèse et prendre rapidement une décision. Même si celle-là consistait justement à ne pas en prendre et souvent, à la différence de nombreux interlocuteurs, laisser le temps faire son œuvre d’apaisement.
Mais il est un trait chez Serguei Sergueievitch qui me parle particulièrement. Véritable Russe, il fut aussi un véritable Français et fier de l’être. Il sut toujours se positionner sans faiblir et sans se renier. Attentif à tout ce qui est Russe, compatissant aux drames humains qu’a connu le pays de nos ancêtres, il fut toujours clair et précis dans ses positions vis-à-vis des autorités tant soviétiques que des successeurs. Il savait que l’ancien monde dans lequel il était né ne reviendrait jamais, que les Russes d’aujourd’hui ne nous comprenaient pas plus que nous ne les comprenions….et qu’il fallait se faire une raison de cette différence.
La France officielle a reconnu la fidélité et l’action du Chef de bataillon honoraire Serge Obolensky en le décorant et promouvant à plusieurs reprises dans les Ordres Nationaux. Nous pourrions parler des heures et des heures de Serguei Sergueievitch car ce fut un personnage fascinant. Mourmelon sans lui est difficilement concevable. Comme il l’était déjà sans Viktor Nikolaievitch Bakchine, sans Lennik Obolensky. Tous nous ont légué le soin de poursuivre la mission.
Georges de Brevern Le Président